thomas roussel


si tu devais parler de toi en quelques mots, que dirais-tu ?

je pense que le premier mot qui me viendrait à l'esprit, c'est dire je suis compositeur. alors parfois je dois préciser compositeur de musique aux gens que je rencontre parce qu’ils pensent que je suis compositeur floral… je rajoute aussi souvent que j’écris pour des orchestres, et que je fais de la musique électronique.


et quelques mots sur ton parcours ? la musique a toujours été une évidence pour toi ?

j’ai toujours fait de la musique depuis mes 3 ans. mes parents m’ont toujours beaucoup soutenu. ils étaient aussi musiciens. mon père jouait du hautbois, et ma mère était mélomane. ils m’ont pas mal poussé et comme j’en demandais aussi beaucoup, c’était le bon match !
j'ai commencé à composer vers 14-15 ans, et je n’ai jamais arrêté. je faisais du piano et du violon mais c’est surtout au piano que je composais. avec cet instrument tu peux faire à peu près tout l’orchestre ; des contrebasses au piccolo. et puis assez rapidement, vers 16 ans, la musique électronique est rentrée dans ma vie. c’était en 1994-1995. la techno arrivait. à dijon on avait la chance d’avoir un très bon club où laurent garnier était résident et jeff mills y jouait régulièrement. Moi, j'étais un peu le petit pénible à lunettes qui donnait ses démos sur cassette au directeur du club…
un soir les daft punk sont venus jouer avant la sortie de leur 1er album. j’étais en terminal à ce moment-là et j’avais dû loupé le cours de philo du lendemain… j’avais été invité à la fin de la soirée à être présent lors de leur interview avec un journaliste. nous n’étions que tous les quatre. c'était vraiment lunaire, pourquoi j'étais là ? à quelques mètres, il y avait le manager des daft punk, qui était pedro winter, et qui aujourd'hui est mon label manager avec qui j’ai sorti mon dernier EP !


justement, comment a démarré cette aventure avec Ed Banger (Pedro winter)?

c'est une aventure qui a réellement commencé en 2018. pedro m'a contacté à la suite d’une musique de défilé pour pigalle que j'avais composé. il avait bien aimé l'approche un peu différente que j'avais proposé avec uniquement des instruments métalliques. il était venu me voir pour célébrer les 15 ans de son label de musique ed banger avec un orchestre symphonique. c’est quelque chose que j’avais déjà fait avec jeff mills en 2005 et ça avait un peu marqué les esprits dans la techno je crois. donc pour cet anniversaire en 2018 on a fait un live au grand rex. c’était assez festif et grandiose. on a vécu une soirée incroyable.
après ça, avec pedro, on a sorti l’album de ce concert. comme toujours il a fait un magnifique objet. ce joli projet nous a vraiment lié. nous sommes devenus potes. et puis il y a eu le covid et on habitait à 50m l’un de l’autre. on passait beaucoup de temps ensemble. il a suivi mes démos que je composais pendant cette période. et sans jamais espérer un jour sortir un disque moi-même chez ed banger en tant que compositeur, je lui faisais tout écouter jusqu'au moment où il m'a dit que ça lui plairait beaucoup de les sortir. j'étais extrêmement content !
« cela fait quelques années que j’ai compris que tout n’était qu’une histoire d’émotions dans mon processus créatif. »
quelles sont tes sources d’inspiration ? comment décrirais-tu ton processus créatif ? notamment pour ton dernier EP.

c’est une question qui n’est jamais facile pour un artiste. cela fait quelques années que j’ai compris que tout n’était qu’une histoire d’émotions. des émotions que je vais ressentir lors d’une rencontre ou d’un échange, lors d’une visite d’exposition, lors d’un film ou encore lors d’un ballet. peu de choses peuvent plus m’émouvoir qu’un très beau ballet. cette émotion ressentie, elle va évidemment me marquer, me toucher et elle va ressortir dans mon langage à moi qui est la musique.

pour mon dernier ep « late metal », qui vient de sortir chez ed banger, je pense que l’angoisse engendrée par le covid a généré une émotion toute particulière. normalement je ne suis pas quelqu’un d’angoissé, mais là c’était une période vraiment très particulière où le monde entier s’est arrêté. travailler devenait impossible, cela ne dépendait plus de moi. surtout dans notre secteur. c’était la première fois que j’étais dans une situation d’impuissance totale. les morceaux de cet ep sont vraiment nés pendant cette période-là.

et c’est marrant, car sans que cela soit volontaire, il y a un lien entre cet ep et le gramme. je me suis beaucoup inspiré de la matière métallique, et notamment du métal liquide. une sorte de mercure comme ça qui fait fi de la gravité. je suis un passionné de sciences, de physique quantique et de tout ce qui a trait à l’espace de manière général. j’ai lu beaucoup de choses là-dessus pendant le confinement. le nom de l’album « late metal » est un palindrome. là aussi on s’amuse avec l’espace temps. avec le synthé j’ai vraiment essayé de créer le son du métal liquide. sur tout l’ep tu as ce son particulier en arrière-plan.

quelles sont les personnes qui constituent des références pour toi dans ton métier ou dans la vie ?

on l’évoquait plus tôt, il y a eu à dijon cette scène un peu electro et techno qui m’a vraiment marqué. ces rencontres avec laurent garnier, les daft punk ou jeff mills aussi bien sûr. entre mes 16 et 20 ans, j’ai eu la chance de faire des masterclasses et de jouer pour des compositeurs comme maurice jarre ou lalo schifrin qui a, entre autre, composé mission impossible… c’est assez marquant pour moi. cela a profondément imprimé mon circuit, ma carte mère. ces personnes, ces talents incroyables, j’avais envie de leur ressembler artistiquement mais aussi humainement.

après il y a des personnes que je n’ai pas rencontrés mais qui m’ont vraiment marqué. c’est immédiatement le nom du compositeur john williams qui me vient à l’esprit. on a tous grandi avec les films de spielberg. pour mon dernier ep lorsque j’enregistre avec le london symphony orchestra, c’est l’orchestre de williams ! celui qui a fait star wars, harry potter ou jurassic park. c'est les mêmes musiciens que je reconnais quand je regardais les bonus dvd à 20 ans. c’était un rêve de les diriger. c’est quelque chose de très inspirant, de très motivant. tu as envie de composer pour rejouer avec eux.

mis à part la composition, est-ce que diriger un orchestre est quelque chose que tu aimes faire ?

diriger un orchestre c'est quelque chose qui est toujours super émouvant. c'est un peu une récompense après avoir écrit des partitions pendant des mois tout seul. c'est un travail assez solitaire. je n'aime pas trop être tout seul, mais quand je fais de la musique le temps passe très vite donc c'est cool. mais une fois arrivé devant un orchestre et que je le dirige, c'est vraiment la récompense.

quel compliment aimerais-tu entendre ou réentendre dans ton métier ?

c'est l'émotion. généralement, lorsque l’on vient me chercher pour créer une musique, pour un événement, un défilé, un opening, les gens espèrent que je vais arriver à créer de l'émotion. comme je le disais, l’émotion, c’est ce qui me nourrit au départ. donc mon challenge en composant c’est de parvenir à créer cela, ce sentiment, dès la première écoute.
« c’est marrant, car sans que cela soit volontaire, il y a un lien entre cet ep et le gramme. je me suis beaucoup inspiré de la matière métallique, et notamment du métal liquide. »
comment te prépares-tu pour tes concerts ou évènements ?

la première étape avant chaque concert ou évènement c’est inévitablement l’écriture de la partition. lorsque je voyage, j’engage des musiciens sur place plutôt que de voyager avec 60 personnes… donc la partition c’est vraiment le plus simple, le langage universel. pour le concert à la cité interdite en chine, on est arrivés peu de temps avant, j’ai posé la partition, on a joué et ça a marché.

écrire la partition au préalable c’est un rituel assez solitaire, long mais agréable. c’est un peu comme si tu enlevais minutieusement toutes les petites coques de graines de tournesol pour les manger toutes à la fin d’un coup décortiquées. c’est long, fastidieux, mais à la fin il y a une vraie récompense en entendant l’orchestre jouer ma musique. c’est la même idée. en revanche je peux ressentir du trac en écrivant une partition. tu n’as pas le droit à l’erreur avec l’écriture. il faut penser à tous les détails, toutes les indications.

quel est le(s) truc(s) le(s) plus fou(s) que tu aies fait ?

c’est dur de choisir mais je dois dire que mon top 3 serait le concert à la cité interdite, le concert sur la seine pour les jo 2024. et sans doute un live démesuré à macao avec pedro winter et bureau betak.

pour l’évènement à la cité interdite, j’ai rarement eu autant de mal à me concentrer sur scène tellement le cadre était extraordinaire. c’était pour l’inauguration d’une exposition de joaillerie et c’était visuellement et émotionnellement fou. il y a avait une soixantaine de musiciens, des danseurs… c’était vraiment cool.
le concert sur la seine pour l’annonce des jo 2024 à paris c’était dingue de pouvoir faire jouer 80 musiciens sur l’eau en ligne droite. d’ailleurs on discute pour 2024, pour faire la suite… on verra.

pour le live à macao, on avait disposé des musiciens dans 8 tours d’ascenseurs dans un lobby incroyable. l’effet était fou. ils étaient comme des petites figurines dans des maisons de poupées suspendues et on faisait une battle dj/chef d’orchestre avec pedro winter.
impossible aussi de ne pas inclure dans ce top 3 et demi le concert que j’avais fait à la gaîté lyrique pour mon album « prequell ». c’était un vrai concert en tant que tel où je jouais mes morceaux.

tu veux nous parler des musiques que tu composes et des musiciens que tu diriges pour des défilés de mode ?

les défilés pour moi, c'est vraiment quelque chose de super excitant. il y a quelques années quand karl lagerfelf m’a annoncé que je devais composer et diriger 100 musiciens au grand palais pour dans deux semaines… j’avais 28 ans et à part diriger des petits orchestres en studio, je n’avais jamais fait ça. mais là c’était sans filet. je n’avais pas d’oreillette pour que tout soit synchronisé. il fallait que je commence la musique au timing parfait pour que 17min plus tard, au moment où ines de la fressange arriverait en robe de mariée, je sois aux notes finales, parfaitement timées.
j’adore ce genre de challenge. l’orchestre en ligne droite pour dior homme en 2015 avec Villa Eugénie, c’était une première mondiale. ça n’avait jamais été fait. la contrainte technique était importante : les faire jouer sans regarder, ni chef ni autre musicien, parce qu’ils voient que des dos.
« le concert sur la seine pour l’annonce des jo 2024 à paris c’était dingue de pouvoir faire jouer 80 musiciens sur l’eau en ligne droite. »
est-ce que tu as un objet fétiche ? connais-tu son poids ?

je dirais que mon objet fétiche c’est vraiment cette sculpture en plâtre de daniel arsham d’un synthétiseur. il doit peser entre 20 et 25kg, il est très dense.
son art m’a vraiment beaucoup inspiré. on parlait plus tôt d’émotions procurées et je ne me suis jamais autant retrouvé, je pense, dans un artiste contemporain que dans daniel arsham. au tout départ c’est lui qui m’avait contacté sur instagram après l’orchestre en ligne droite que j’avais fait pour dior homme. il avait trouvé ça très émouvant. j’avais trouvé ça fou qu’il me contacte au moment même où j’étais en train de composer l’album « prequell » inspiré d’œuvres de lui imprimées dans mon studio autour de cet univers archéologique du futur. il m’avait invité à new york dans son atelier. on y était allé avec Ivan mon manager et il nous avait fait visiter tout son atelier et m’avait offert ce synthétiseur.

la direction artistique de mon studio à paris, je l’ai vraiment construite autour de cet objet et du travail de daniel.

qu’est-ce qui a du poids dans ta vie ?

la 1ere chose qui me vient en tête ce sont évidemment mes 4 enfants. cela a du poids dans ma vie parce ce que bien sûr c’est une organisation quotidienne autour d’eux. tous les matins, la journée commence par s’occuper d’eux. il y a 4 enfants à préparer pour partir à l’école ou à la crèche. de 6h45 à 8h c’est énergique !
en tant que père, je peux parfois être un peu strict sur le timing, alors que le reste du temps je suis plutôt cool.

tes bijoux le gramme, lesquels sont-ils ? comment les portes-tu ?

c’est camille, ma compagne, qui la première m’a fait découvrir le gramme. elle m’a offert deux bracelets de la marque que je ne quitte jamais. un ruban le 7g et un beads poli le 11g. ils me rappellent des saint-valentin, des noëls, des anniversaires, des choses avec elle, des moments romantiques.
j’aimerais beaucoup compléter mon accumulation avec un câble double tour ou un ruban plus gros.
les créations le gramme me parlent, notamment en ce moment avec cette inspiration pour le côté métal, argent, qui m’inspire vraiment. tout ça a du sens pour moi, c’est assez aligné.

et si tu devais composer une musique le gramme, vers quelle direction irais-tu ?

clairement pour le gramme je prendrais la même direction que celle prise pour l’ep « late metal ». j’exploiterais cette idée de sons métalliques. pour l’ep j’ai utilisé beaucoup de barres de métal frappées ou frottées l’une comme l’autre. même des archets de violon qui frottent sur des tôles de métal. dans le morceau « deified », un palindrome là aussi, il y a 20 secondes qui sont faites qu’avec des barres de métal. très le gramme !
« si je devais composer une musique le gramme, je prendrais la même direction que celle prise pour l’ep « late metal ». j’exploiterais cette idée de sons métalliques. »
son accumulation
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bracelet câble double tour le 9g

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