nicolas lefebvre


nicolas lefebvre est un artiste sculpteur français, connu notamment pour ses déesses mère, ces assemblages d’objets et d’éléments anciens pensés comme un dialogue entre des civilisations et des époques différentes. son travail s’inscrit dans la lignée des surréalistes comme miro. nicolas lefebvre présentera un solo show pour la masterpiece london art fair en juin, avec la galerie tristan hoare.


comment te présentes-tu lorsque tu parles de toi et de ton métier ?

j’assemble des objets anciens de différentes civilisations et de différentes périodes. je me permets de faire venir dialoguer ces objets de manière plus naturelle. j’essaie de ne pas les dénaturer. j’essaie de garder le sens premier de l’objet et de venir l’assembler en général en trinité d’objets. je travaille beaucoup sur le symbole de la croix de vie que l’on retrouve en égypte, et un peu partout dans différentes civilisations.
j’ai appelé mon travail les déesses mère il y a plus de 20 ans. c’est un peu ma ligne directrice. je fais de petites pièces et de très grandes pièces qui sont toutes uniques, mais elles ont toutes cette chose en commun qui est cette croix avec un cercle dessus.
je me définis comme un artiste, comme un sculpteur et comme un assembleur aussi. un assembleur parce qu’en fin de compte, c’est la suite des surréalistes, avec le ready-made de marcel duchamp. tous les surréalistes des années 50 avaient commencé comme ça, à détourner l’objet et à lui donner une nouvelle vision. moi, j’essaie de faire un peu la même chose avec du sens. je pense que dans notre société actuelle, nous avons besoin de sens. avec ces objets anciens réassemblés, j’essaie, à mon niveau, de retrouver un peu de racines.


ce métier a toujours été une évidence pour toi ? quelques mots sur ton parcours ?

j’ai commencé à faire ça à 25 ans, à la mort de ma maman. très vite, pas mal de copains marchands et du monde du marché de l’art ont apprécié mon travail et m’ont dit qu’il fallait absolument que je le montre et l’expose. c’est allé assez vite en fait, et j’ai commencé à faire des expos qui marchaient très bien – presque toutes les œuvres étaient sold-out systématiquement. au départ, j’ai été repris par pas mal d’antiquaires et de marchands d’arts premiers. c’était plutôt un public de connaisseurs. ensuite, le relais s’est fait du côté du cnrs, de l’unesco et de l’art contemporain. le galeriste pierre-alain challier, dans le marais, m’a fait ma première exposition et après, j’ai enchainé les événements tels que la fiac et art paris et les foires un peu partout.
c’est vrai qu’aujourd’hui, je me situe dans l’art contemporain, mais mes pièces sont un peu en décalage, parce que j’emploie notamment des pièces anciennes qui ont déjà une certaine valeur sur le marché de l’art.
il y a une forme de durabilité aussi dans mon travail. je donne une seconde vie à des objets sans être obligé d’utiliser de la nouvelle matière première, de produire, de gaspiller, d’utiliser des machines, etc. tout tient vraiment de l’objet. je fais dialoguer des objets entre eux.


quelles sont les personnes qui, selon toi, constituent des références dans ce domaine ?

j’ai eu la chance de travailler avec des gens qui sont des références pour moi. je pense notamment à axel vervoordt qui est pour moi l’un des plus grands marchands d’art avec des choses très éclectiques. j’aime beaucoup pouvoir rassembler des choses qui viennent de différentes cultures et trouver un point commun entre ces objets ou ces histoires. par exemple, assembler un bout de terracotta grecque avec un petit bout de soie du 18e, avec une petite serrure dogon du mali. j’essaie vraiment de trouver une harmonie entre ces différents objets et de raconter une histoire commune. c’est un équilibre entre palette de couleurs, matières, formes et tailles.
« j’assemble des objets anciens de différentes civilisations et de différentes périodes. Je fais dialoguer ces objets. »
qu’est-ce que tu aimerais que l’on dise de toi et de ton travail dans plusieurs années ?

j’aimerais bien que l’on dise « il nous a fait rêver », car justement mes pièces nous emmènent dans des interrogations lointaines. j’aime le terme de marchand de rêves pour me définir. un artiste, par son travail, doit faire rêver, et on a cette chance en tant qu’artiste de pouvoir avoir un autre espace-temps. on a une forme de liberté dans notre manière de voir notre société.

quel compliment te touche le plus sur ton travail ?

je suis touché que l’on reconnaisse l’harmonie et l’équilibre dans mon travail. il y a en effet vraiment une recherche d’harmonie et d’équilibre. je suis convaincu qu’avec l’harmonie, on va pouvoir avancer et arrêter d’être justement dans cette division, dans cette séparation, dans ces guerres...

des thèmes de prédilection dans ton approche créative ?

je travaille beaucoup le cercle parce que, pour moi, c’est l’infini. j’aime beaucoup la rondeur qui, je trouve, apporte de la douceur. surtout mise comme ça, sur des sommets, sur des formes verticales. je m’intéresse aussi énormément aux symboles.
les premiers objets que j’ai assemblés étaient des objets personnels avec des éléments naturels comme du corail, des morceaux de bois trouvés sur la plage ou encore des plumes. l’idée était vraiment de faire se côtoyer un objet et un fragment de nature qui ne valait rien. cette opposition venait apporter de la magie à ces éléments naturels.

et quels sont tes matériaux, formes ou motifs fétiches ?

j’aime beaucoup les matières naturelles comme le bois, le marbre, bien que plus dur à travailler, ou encore certains coraux que l’on est autorisé à prendre. mon travail consiste aussi à beaucoup chiner, dans les salles de ventes, dans les galeries, sur les marchés, mais aussi lors de balades en forêt ou sur la plage. les voyages que j’ai pu faire, en afrique, en inde ou en amérique du sud, sont des prétextes à ramener des fragments de matières et d’objets. je suis rentré récemment de tunis pour un projet avec plein de morceaux de pierre et de bois. dans les décharges aussi, à la césar, il m’arrive de trouver des choses incroyables.
je suis d’ailleurs sur un projet avec plastic odyssey pour aller récupérer sur le 7e continent des bouts de plastique qui ont passé plusieurs années dans la mer. là aussi, ces éléments sont devenus des objets de la nature parce qu’ils ont été imprégnés pendant longtemps par le soleil, l’érosion du vent ou l’eau de mer.
« il y a une forme de durabilité aussi dans mon travail. je donne une seconde vie à des objets sans être obligé d’utiliser de la nouvelle matière première, de produire, de gaspiller, d’utiliser des machines, etc. »
ton plus gros challenge réalisé ou à réaliser ?

j’ai une œuvre assez grosse qui s’appelle mama carrefour des cultures, et qui est destinée à faire le tour de la méditerranée et à venir célébrer nos racines communes autour de cette mer. il y a énormément de sculptures et de céramiques – que l’on voit d’un côté et de l’autre de la méditerranée – qui ont finalement été faites avec le même sable ! là, je suis déjà en relation avec des musées et des fondations au ministère de la culture pour réussir à donner vie à cette œuvre.

si tu n’étais pas artiste, quel métier ferais-tu ?

j’aurais aimé être ambassadeur, je crois. je trouve que les artistes sont également des ambassadeurs de leur époque et de leur temps. et c’est vrai que la géopolitique m’a toujours intéressé aussi, et justement, je pense que si je n’étais pas devenu artiste, j’aurais aimé avoir une carrière diplomatique pour pouvoir essayer de trouver des arrangements.

quelle est la ville qui t’inspire ou te ressemble le plus ?

je me sens très bien à lisbonne. c’est une ville qui me correspond très bien parce qu’elle est internationale, au bord de la mer en europe, et en même temps très peu confrontée à toutes ces histoires géopolitiques.
il y a une qualité de vie qui est très douce, il y a de très bons artisans. c’est un peuple que je trouve très humble et avec beaucoup de savoir-faire. je me vois y vivre. je suis d’ailleurs en train de progressivement me déployer là-bas.
« j’aime le terme de marchand de rêves pour me définir. un artiste, par son travail, doit faire rêver, et on a cette chance en tant qu’artiste de pouvoir avoir un autre espace-temps. »
qu’est-ce qui a du poids dans ta vie ?

ma fille ! c’est très important, l’éducation que je peux lui donner et aussi l’image que je veux qu’elle perçoive de mon travail et des valeurs que je porte. j’ai pu travailler avec des personnes comme pierre rabhi ou paul watson, pour des associations et des œuvres humanitaires. ça me touche beaucoup de pouvoir essayer de lui donner des éléments de dialogue sur comment se comporter.

enfin, qu’est-ce que les créations le gramme t’inspirent ?

il y a une simplicité et un minimalisme qui me touche beaucoup dans ces créations. j’aime ces lignes pures et cette exigence dans les détails et les finitions. il m’est arrivé de travailler le métal, mais plutôt rouillé, oxydé ou ancien. le bracelet jonc le gramme, très pur, en métal lisse, est particulièrement beau.

et si le gramme était un objet ou une sculpture, comment serait-il ?

je vois bien un cylindre, comme le fermoir du câble, sur une base assez carrée ou rectiligne. quelque chose de très géométrique où la rondeur du cylindre viendrait en opposition à la rigueur du carré. ce serait très beau en sculpture d’ailleurs, avec peut-être même le cylindre à la verticale sur un rectangle.
« il y a une simplicité et un minimalisme qui me touche beaucoup dans les créations le gramme. j’aime ces lignes pures et cette exigence dans les détails et les finitions. »
son accumulation
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