kilian hennessy


si tu devais parler de toi et décrire ton parcours en quelques mots, que dirais-tu ?

mon parcours, en quelques mots, c’est une série de rencontres. le destin qui est venu ouvrir une sorte de voie perpendiculaire non prévue, dans laquelle je me suis engouffré un peu par hasard et dont j’ai fait mon métier. aujourd’hui, je me définis comme un directeur de création, qui a dû être aussi chef d’entreprise par la force des choses.

il faut remonter à quelques années, et notamment ma 5e année de magistère au CELSA pour vraiment comprendre comment je suis arrivé dans ce secteur. à ce moment-là, il nous avait été demandé de rédiger un mémoire de maîtrise pour valider l’année. je venais de faire un stage chez Kenzo Parfums, à la communication, et comme la marque était sur le point de lancer un nouveau parfum, une analyse sémiologique du corpus du parfum féminin avait été réalisée. la sémiologie était exactement ma formation. pour moi, c’était assez évident, et presque facile, de choisir le thème du parfum et l’analyse des communications des parfums féminins pour ce mémoire.

et la suite, c’est une série de rencontres heureuses. je pense notamment à celle avec Maurice Roger, qui était le patron des parfums Dior. c’est lui qui m’a enseigné le fait qu’il fallait aborder le secteur du parfum comme un artisan pour le comprendre. puis j’ai rencontré Jacques Cavallier-Belletrud, qui à l’époque venait de se faire connaître avec L’Eau d’Issey Miyake et le Jean Paul Gaultier pour femme. il est devenu mon professeur de parfums, mon mentor dans cet univers pendant 10 ans.


peux-tu nous raconter comment est né Kilian ?

l’histoire de Kilian est évidemment liée à mon parcours.
après la fin de mes études, j’avais acquis une structure olfactive très solide. très vite, les marques sont venues me débaucher pour faire de la création olfactive. j’ai travaillé 3 ans chez Paco Rabanne dans le groupe Puig. c’était génial, parce qu’on avait très peu de moyens mais la famille Puig nous disait de compenser l’absence de moyens par une sur-créativité. ça poussait les équipes à vraiment créer des designs irrévérencieux et innovants.
puis j’ai été débauché par Chantal Roos, une grande dame du parfum. elle a notamment été la directrice marketing de Saint Laurent Beauté, et a lancé Opium Rose, avant de continuer chez Shiseido. elle s’est ensuite occupée de la division Beauté du groupe Gucci avec Tom Ford. j’ai été, à ses côtés, directeur marketing d’Alexander McQueen Parfum. Trois ans après, je rentrais chez L’Oréal pour prendre la direction marketing des parfums Giorgio Armani.
à cette période, je me souviens qu’une chasseuse de têtes m’avait complètement convaincu que je devais travailler dans la mode. elle me voyait aux côtés d’un Hedi Slimane ou d’un Tom Ford. j’étais prêt à ce changement d’industrie lorsque je me suis retrouvé, un peu par hasard un soir – le destin encore une fois… – dans le musée Baccarat, où une exposition retraçait un siècle de parfumerie par la marque. c’était fascinant. j’avais sous mes yeux un historique magnifique de ce qu’était le parfum : des flacons objets, des noms incroyables, des boîtes très élégantes… cela a immédiatement résonné en moi. j’étais convaincu que le consommateur était en droit d’attendre qu’on lui offre une parfumerie qui aurait la même attention au détail, le même luxe, la même fantaisie. le lendemain, je donnais ma démission chez L’Oréal, non pas pour partir dans la mode, mais pour créer ma propre maison. et 18 mois après, je lançais ma marque.
« l’histoire de la marque est évidemment liée à mon parcours. et mon parcours, c’est une série de rencontres heureuses. »
le fait que ta marque porte ton nom a tout de suite été une évidence ?

j’ai longtemps réfléchi à la question justement, en me demandant si je devais trouver un nom ou mettre mon prénom. au bout du compte, ça m’a paru assez évident de nommer la marque Kilian. cela allait en effet m’obliger à redoubler d’attention pour tout. parce qu’ils porteraient tous mon nom, il n’y aurait ainsi pas un seul produit que je lancerais dont je ne serais pas 1000 % fier.

ta famille s’est fait connaître avec les cognacs Hennessy. comment la création d’une marque de parfum a-t-elle été reçue ?

la maison Hennessy fait maintenant partie du groupe LVMH depuis 1987, ce n’est plus une entreprise familiale, et chacun préside donc à sa destinée.

quand j’ai créé ma marque en octobre 2007, je l’ai lancée avec 6 parfums, ce qui était très peu car en général, tous mes concurrents, lorsqu’ils lançaient une marque, proposaient entre 10 et 12 parfums dès le départ. les questions des journalistes tournaient beaucoup autour de l’absence d’un parfum au cognac dans cette collection. c’était une interrogation récurrente au début. pour moi, il était évident que je devais lancer quelque chose qui me ressemblait sans devoir forcément le rattacher à mes origines. l’idée d’un parfum au cognac me travaillait, c’est certain, mais je ne me sentais pas prêt au départ pour le faire, car je voulais le faire bien.

c’est quelques années plus tard que m’est venue l’idée du bar, et d’exploiter la thématique de la nuit. j’aime vivre la nuit. j’ai repensé tous les comptoirs comme des bars, et il fallait pour la marque une collection de parfums inspirée par des liqueurs. ainsi, un parfum au cognac s’imposerait comme une évidence. le parfum Angels’ Share provient de là. ce n’est pas un parfum au cognac à proprement parler, c’est davantage ma mémoire olfactive des chais de la maison Hennessy : une odeur boisée, sucrée, et imprégnée d’eau-de-vie.

quelle est ta vision aujourd’hui du monde de la parfumerie ? comment la vois-tu évoluer ?

quand j’ai démarré dans cette industrie, je regardais évidemment ce qui avait été fait dans le passé. la décade qui a précédé mon arrivée dans ce secteur, 1985 – 1995, est l’une des plus belles de la parfumerie. c’est Fahrenheit et Poison chez Dior, c’est Eternity, ck one et Obsession chez Calvin Klein, ou encore Angel chez Mugler. c’est une explosion de créativité à cette époque.
la période suivante, 1995 – 2005, est moins passionnante. c’est un peu un trou noir. il n’y a plus vraiment d’idée nouvelle. toutes les routes olfactives semblaient surchargées. les parfums se copiaient les uns les autres.

Kilian n’est pas la première marque de parfum artisanal. avant moi, il y a eu Goutal ou L’Artisan Parfumeur. cela était, à cette époque, limité à un certain chiffre d’affaires, qui était relativement modeste. la parfumerie artisanale n’était pas une catégorie pour les clients.
la donne a progressivement changé quand des marques comme Frédéric Malle, Byredo, Le Labo, Jo Malone ou la mienne ont émergé. tout d’un coup, notre catégorie a pris de l’importance, avec un taux de croissance complètement fou.
aujourd’hui, cette croissance se vérifie encore, et la parfumerie artisanale continue de croître et de prendre des parts de marché dans le parfum. les prévisions pour les années à venir sont aussi très bonnes, il y a un vrai changement de paradigme.
« mon processus créatif est assez éclectique ! mon seul filtre, c’est de parvenir à imaginer l’odeur, ou si je ne peux pas l’imaginer, je dois pouvoir imaginer le processus de création pour trouver cette odeur. »
la marque a fêté ses 15 ans cette année, comment vois-tu la suite de l’aventure ?

la suite de l’aventure, c’est bien évidemment de continuer le parfum, mais aussi de réussir le lancement de notre ligne de maquillage. on est en train de complètement repenser notre collection de rouges à lèvres. nous avions commercialisé une première collection capsule, mais qui n’était pas à 100 % on brand. là, l’idée c’est de la faire évoluer pour la rendre complètement ressourçable ou rechargeable.

le parfum et le maquillage, ce sont les deux armes de séduction totale d’une femme – ou même d’un homme d’ailleurs. quand une femme a les yeux, les lèvres et le parfum on point par rapport à sa personnalité ou par rapport à l’image qu’elle souhaite dégager, elle est irrésistible !

quelles sont tes sources d’inspiration ? comment décrirais-tu ton processus créatif ?

je dois avouer que mon processus créatif est assez éclectique ! mon seul filtre c’est de parvenir à imaginer l’odeur ou si je ne peux pas l’imaginer, je dois pouvoir imaginer le processus de création pour trouver cette odeur.

le parfum Gold Knight, par exemple, s’inspire d’une œuvre de Klimt qui m’avait subjugué lors d’une exposition : sa frise Beethoven. pour cette œuvre, Klimt, en plein dans sa période byzantine, travaillait à la feuille d’or. sur cette frise, on peut apercevoir un chevalier dont l’armure est en or. son processus créatif du traitement de la feuille d’or a ici été mon inspiration. tout comme pour le parfum Woman in Gold. l’idée a été de trouver des matières premières qui sentent la feuille d’or. il fallait une fragrance solaire. c’est pour cette raison que je me suis dirigé vers de la bergamote, de la rose jaune ou de l’anis.
pour Good girl gone Bad, j’avais envie de travailler sur la métaphore du paradis perdu, avec Ève et notamment cette idée de fruit défendu, en succombant au péché. on a réussi à sortir une fragrance fruitée mais piquée d’épices, de pois, et de résine.
sur le parfum Intoxicated, je souhaitais explorer la thématique de l’addiction. et la mienne, c’est le café turc ! quand je vais dans la région, c’est mon truc. ils te mettent une graine de cardamome, et cette combinaison avec le café donne un goût extraordinaire. j’ai tout de suite écrit à mon parfumeur afin qu’il me reproduise ce goût en senteur. ça a très bien fonctionné, transformé en fragrance.

ton plus gros challenge réalisé, ou peut-être à réaliser ?

mon plus gros challenge quand j’ai lancé la marque, c’était d’avoir des flacons spécifiques, des vraies créations dédiées. en effet, quasiment toutes les marques concurrentes utilisent des flacons standards qui existent sur le marché, chez des verriers, sur lesquels elles mettent une pompe, un bouchon et collent une étiquette spécifique. rien qui ne demande un outillage spécifique donc. pour Kilian, je ne voulais rien de tout cela. je voulais un flacon qui soit unique à la marque, gravé dans le verre et qui traduise ce luxe et ce savoir-faire d’antan.

au démarrage de la marque, il a fallu aller voir les fournisseurs et les convaincre de ne produire que 10 000 flacons, ce qui à cette époque me semblait colossal. ces mêmes fournisseurs, qui étaient plus habitués à des quantités de 100 000, voire 500 000 flacons, n’arrêtaient pas de repousser mes commandes…

un endroit de prédilection où l’on peut te trouver habituellement ? un endroit qui te ressemble ?

alors pour être très honnête l’endroit le plus facile où me trouver, c’est sur mon portable... je suis en effet très souvent en déplacement ou à l’extérieur.
« je trouve les créations le gramme essentielles. il n’y a pas d’artifices, uniquement la beauté de la matière. »
avec Erwan, vous avez une passion commune pour l’art contemporain, quels sont tes artistes favoris ?

il y a beaucoup d’artistes que j’apprécie. j’adore le design, j’adore le mobilier contemporain des années 50. aujourd’hui, quand tu observes tous les objets que j’ai, tu peux constater qu’à chaque fois, la matière est travaillée, sculptée ou gravée. je n’aime pas les choses trop lisses.

avec mes parfums, c’est la même chose. si je trouve qu’une fragrance manque d’aspérité, je vois avec mon parfumeur afin qu’il rajoute ce que j’appelle « une mouche », c’est-à-dire un détail presque laid. il faut qu’il y ait un défaut. c’est ça que j’aime avec la matière travaillée.

as-tu un objet fétiche ? combien pèse-t-il ?

j’avais un objet fétiche, qui était une petite jade que m’avait donnée une amie taïwanaise. c’était un porte-bonheur. elle était dans ma poche, elle ne m’a pas quitté pendant 10 ans. je l’ai malheureusement perdue, et mon amie m’a dit que la jade avait pris le mauvais sort à ma place.

depuis quelque temps, je porte cette médaille de mon ami Elie Top. c’est un trèfle, je ne l’enlève quasiment jamais.

qu’est-ce que les créations le gramme t’inspirent ?

je trouve les créations le gramme essentielles. il n’y a pas d’artifices, uniquement la beauté de la matière. je porte tous les jours mon câble céramique. j’aime l’aspect torsadé du câble en lui-même, presque une colonne.
les bijoux le gramme sont présents sans être show off. je les trouve assez virils sans être macho, et surtout très élégants.

si le gramme était une fragrance, laquelle serait-elle ?

je travaillerais évidemment sur l’idée de métal, de métaux chauds, de métal froid, j’investiguerais sur ces directions. comme il y a une essentialité dans le design de le gramme, il faut une essentialité dans l’odeur. les matières premières naturelles sont à elles seules déjà un parfum, puisqu’il y a parfois 80 à 200 notes olfactives dans une matière première naturelle, alors que dans un corps de synthèse, il n’y en a qu’une. donc je travaillerais sur une formule assez épurée, à l’image du design. une formule courte, sans doute entre 8 et 12 produits, et essentiellement des corps de synthèse, avec peut-être une matière première naturelle qui permettrait de venir apporter de l’élégance à l’ensemble.

pour le nom de ce parfum, je me demande si je ne reviendrais pas à un numéro. évidemment, il y a les grands numéros, le 5, le 19, le 22 Chanel, mais Halston avait des noms comme ça, comme Z-14. je proposerais peut-être un nom un peu d’inspiration Halston, mais revu aujourd’hui avec l’inspiration industrielle.
« si le gramme était une fragrance, je travaillerais évidemment sur l’idée de métal, de métaux chauds, de métal froid, j’investiguerais sur ces directions. comme il y a une essentialité dans le design de le gramme, il faut une essentialité dans l’odeur. »
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